Palo Alto
C’est au fond l’histoire tendre et cruelle d’un amour adolescent, semblable à toutes les amours adolescentes depuis toujours. Une fille aime un garçon, un garçon aime une fille. Mais comme tous les adolescents, maladroits et timides derrière les rodomontades, ils sont incapables de se le dire et tout foire jusqu’à ce que…
Elle c’est April, une jeune fille plutôt sage et bonne élève, qui ne se déchaîne que dans l’équipe de foot de son lycée. Elle a une paire de parents plus que cool et permissifs, notamment un beau-père intello et amateur de haschisch, qui passe le plus clair du temps dans son bureau chaotique embrumé par les fumées qui font tourner la tête.
Lui c’est Teddy, un jeune skateur à la grâce féminine, au visage d’ange, artiste, fantasque et rêveur, qui pourrait être plutôt brillant s’il ne passait pas ses journées à suivre Fred, un abruti qui enchaîne les 400 coups et qui cumule bêtise, misogynie et absence totale de respect d’autrui. Evidemment Teddy, alors que l’affaire pourrait se conclure avec April, se laisse détourner par Fred et tombe lors d’une soirée dans les bras d’Emily, la tombeuse du lycée, qui trompe son mal être dans les aventures sans lendemain. De son côté April, déçue, semble se laisser troubler par son entraineur bien trop âgé pour elle, Mr B (c’est tout à fait crédible puisque c’est James Franco, par ailleurs auteur des nouvelles dont est inspiré le film, nouvelles inspirées elles mêmes de l’adolescence de l’auteur/acteur/réalisateur dans une petite ville tranquille du Nord de la Californie).
Palo Alto est une chronique lucide et acide de l’adolescence dans les classes moyennes de la Côte Ouest américaine, entre désœuvrement, absence de motivations idéologiques – contrairement à la générations de leurs parents –, recherche de la transgression mais sans objectif précis, guerre des sexes teintée de machisme et d’imagerie porno, symboles d’une sous-culture où la fille est avant tout un objet sexuel jetable, qu’il est indispensable de consommer pour être crédible aux yeux des autres garçons. On pense inévitablement aux films de Larry Clark (Kids et les suivants) ou de Gus Van Sant (Elephant, Paranoïd Park)… Mais à la différence de ses aînés, la toute jeune Gia Coppola, petit fille de Francis Ford et nièce de Sofia, part du postulat que toute cette jeunesse n’est pas définitivement foutue et la regarde avec une vraie tendresse.
Teddy, April, Emily et même l’horrible Fred (dont on comprend mieux le comportement quand on découvre le père) sont des gamins qui ont enfoui au fond d’eux-mêmes leurs sentiments sous la pression de la tyrannie du paraître, de l’hédonisme et du consumérisme à tout prix, du voyeurisme des réseaux sociaux. Ces sentiments profonds, Gia Coppola sait les faire resurgir peu à peu. Et malgré ses moments cruels voire trash, Palo Alto s’avère une évocation extrêmement touchante du passage difficile à l’âge adulte. En même temps que la révélation d’une nouvelle surdouée dans la famille Coppola et de deux jeunes acteurs talentueux.