Les combattants
Ça va finir par être la règle. Depuis trois années consécutives, la Quinzaine des Réalisateurs, prestigieuse section parallèle du festival de Cannes, récompense un genre peu couru au festival : la comédie. Après Camille redouble en 2012, Les Garçons et Guillaume à table en 2013, c’est au tour du très revigorant et très drôle Les Combattants de remporter la timbale. Ce premier film, défini par son jeune auteur, tout juste issu de la Femis, comme une histoire d’amour et une histoire de survie, se paie le luxe de repartir avec tous les prix de la compétition.
Les Combattants est un film réjouissant à plus d’un titre. Il laisse d’abord entrevoir un renouveau générationnel des cinéastes français : après Céline Sciamma, dont vous découvrirez très bientôt le formidable Gang de filles, arrive aussi Party Girl de Marie Amachoukeli, Claire Burger et Samuel Théis qui a remporté la Caméra d’Or, sans oublier l’impressionnant Mange tes morts de Jean-Charles Hue, tout récemment distingué du Prix Jean Vigo. Des jeunes réalisateurs qui redessinent chacun à leur façon un cinéma d’auteur français qui s’affranchit et s’assume.
Réjouissant disais je parce qu’il nous permet de retrouver la formidable Adèle Haenel, tout juste récompensée d’un César du meilleur second rôle féminin pour sa prestation dans Suzanne de Katell Quillévéré (tiens, encore une jeune auteure). Dans Les Combattants, Adèle est Madeleine, une jeune femme de son temps tout juste diplômée en macro économie, qui ne redoute ni la crise, ni le chômage, elle veut juste être prête quand la fin arrivera… Quelle fin ? Rien de moins que celle du monde, l’apocalypse, le grand déluge… Alors elle se prépare, elle s’entraine et quoi de mieux se dit-elle que l’armée pour savoir survivre en temps de chaos ? Pour Madeleine, cet été c’est stage commando ou rien mais c’était sans compter sur sa rencontre avec Arnaud.
Arnaud, on le rencontre dès la première scène, magnifique, du film. Il est avec son frère aux pompes funèbres où un vendeur leur fait l’article sur tel ou tel cercueil et les qualités remarquables de telle essence de bois. Pas de chance pour le baratineur, les deux frères sont fils de menuisiers. De retour chez eux furibards – « c’est même pas du massif » – ils fabriquent en une nuit le cercueil de leur père. Aussi drôle que bouleversant.
Voilà donc Arnaud, pas très emballé pour reprendre avec son grand frère l’entreprise familiale, pas contre non plus, on verra après l’été. Indécis, comme un jeune homme de son âge, pas encore tout à fait adulte, plus vraiment un gamin. Sa rencontre, pour le moins physique, avec Madeleine va pourtant lui fournir un écheveau de pistes à suivre, une raison de faire des choix, même si ce seront plutôt ceux de Madeleine…
Les Combattants nous touche parce qu’il dresse un portrait sensible et juste d’une génération, (ou pour le moins de deux jeunes gens d’aujourd’hui) qui, sans être paumée, ce qui aurait été la facilité et surtout une resucée pas très intéressante, n’en est pas moins à la recherche de combats à mener, de sens à donner à une existence dont on a de cesse de leur rabâcher qu’elle ne sera faite que de souffrance et de désillusion. Une génération qui n’a connu que la crise, réelle ou suggérée, et qui l’a intégrée à son logiciel sans plus s’en soucier vraiment. Avec un sens de l’humour et des situations d’une précision imparable, Thomas Cailley réussi un film intelligent et drôle, lumineux et sensible, combattif et plein d’espoir.