Du goudron et des plumes
Vous avez aimé Les Petits ruisseaux, vous êtes fan des bandes dessinées de Pascal Rabaté… y’a pas à tricoter : vous aimerez aussi Du goudron et des plumes. Ce gars-là a une façon bien à lui de considérer ses congénères, une bienveillance amusée, un humour de proximité qui donne a voir les choses par le bon bout… Question de nature, même qu’ici le beau temps revient toujours après des orages jamais bien féroces. Et puis, il y a cette façon de faire tout à fait originale, un peu décalée mais toujours juste, cocasse sans ostentation, moqueuse sans insistance, avec un petit plus de poésie qui affleure sans en faire trop : tout en finesse, en sensibilité…
Vue par Rabaté, elle est chouette, l’ambiance à Montauban : ça commence à sentir les vacances, les grillades en plein air, les plongeons dans la piscine, les garçons s’entraînent à la course à pied, à l’aviron, à la corde à nœuds, les gamines promues majorettes rivalisent de jeu de gambettes… Parce que là, c’est du sérieux : les festivités seront retransmises en direct par la télé, à l’occasion de la célèbre émission « Le Triathlon de l’été » ! Il ne s’agit pas pas de se louper !
Christian a la beauté, le charisme, le sourire enjôleur de Sami Bouajila, il est démarcheur à domicile pour une entreprise de lutte contre les bestioles féroces qui dévorent les charpentes des maisons de Montauban, et notre excellent vendeur abuse indûment de ses atouts naturels pour caser des contrats à de gentils vieux qui, entre autres trouilles chroniques, sont tout disposés à croire que leur toit va leur tomber sur la tête. Séparé de sa femme, Christian partage avec elle la garde de Vanessa, sa gamine qu’il adore. Solitaire et vaguement replié sur lui-même, fâché avec son frère dépressif, faisant la gueule à ses voisins, ronchonnant avec son père (excellent Daniel Prevost)… Il va néanmoins accepter, sur l’insistance de tous et pour l’amour de sa fille, de remplacer au pied levé, pour les joutes télévisées, un avironneur défaillant… C’est que l’honneur de Montauban est en jeu, nom d’une pipe en bois !
Et devinez sur qui ce prétendu malchanceux va tomber, dans les tribunes de la salle de gym où s’entrainent les majorettes : Christine ! En allant admirer et soutenir sa progéniture, il va croiser une autre solitaire (la radieuse Isabelle Carré), mère célibataire d’Alizée, la copine de sa fille, et sa vie banale autant que tristouille va tout de suite le devenir un peu moins.
Certes, les histoires d’amour se suivent d’un film à l’autre, mais si on ne s’en lasse jamais, c’est qu’elles ne se ressemblent jamais vraiment, surtout lorsqu’elles trimballent avec elles tout un tas de ces choses qui vont avec l’air du temps, tous ces petits détails qui signent notre époque formidable… Et du côté de Montauban, ce début d’été a quelque chose d’unique, parfumé, solidaire et joyeux. Tout pourrait donc être pour le mieux… mais il arrive que des petites saloperies dont on n’est pas trop fiers, concoctées en douce à l’abri des regards, vous explosent au nez en pleine lumière comme un pétard foireux et les choses vont furieusement se compliquer pour Christian et par contre-coup pour tout son petit monde…