Aux mains des hommes
Voilà un film comme on les aime tant ils déchaînent les passions. Aux mains des hommes provoque des réactions aussi épidermiques que contrastées, qui peuvent aller jusqu’au rejet radical (c’est le cas dans nos propres rangs). Sachez le : comme ses collègues germanophones Michael Haneke ou Ulrich Seidl, Katrin Gebbe explore les tréfonds les plus sombres des âmes perdues, les combats que peuvent se livrer le bien et le mal terriblement ordinaire et c’est évidemment d’une cruauté aussi fascinante qu’absolue.
C’est du côté du bien le plus simple et naïf que commence le film. On découvre, non pas au bord du Jourdain mais dans la frisquette mer Baltique, au large de Hambourg, le jeune Tore, à la dégaine de jeune punk angélique, se faire plonger doucement dans l’eau par des comparses, pour un baptême semblable à celui des premiers chrétiens. Tore est un « Jesus freak », membre d’un étrange mouvement croisant anarchisme punk communautaire et christianisme des premiers âges. Tore, au physique fragile, est un jeune fugueur toujours prêt à faire le bien autour de lui. Un jour son chemin croise celui de Benno, un père de famille dont il répare miraculeusement la voiture (magie ou hasard) par apposition des mains sur le capot et qui, après que Tore se soit fâché avec ses amis Jesus Freaks, lui propose le gîte et le couvert.
Tore y voit un signe de Dieu, croyant que le Divin lui a assigné de s’occuper de Benno l’agnostique. Mais insensiblement, de petits incidents en disputes au départ anodines, l’ambiance se dégrade… Et peu à peu la vie de Tore va virer au cauchemar : il va devenir le souffre-douleur de l’homme et de son épouse, le couple virant très vite au sadisme, un sadisme qui gagne en cruauté alors que la bonté et le sens du pardon de Tore ne faiblissent pas. Le garçon est persuadé que Dieu met sa foi et son humanité à l’épreuve, il ira jusqu’au bout de sa mission, quel qu’en soit le prix…
Dans son trajet implacable, Aux mains des hommes est servi par un trio d’acteur saisissant, une mise en scène tendue à l’extrême et une caméra qui suit de manière quasi organique son jeune héros christique. Refusant toute complaisance, Katrin Gebbe rend la violence d’autant plus effrayante qu’elle est le plus souvent hors champ et livre une fascinante et terrible réflexion sur la foi, sur l’idéalisme, sur la possibilité ou non de les vivre face à la cruauté et la bêtise