Affiche du film Jimmy’s hall

Jimmy’s hall

de Ken Loach
VOSTFR
Bande annonce
Film grande-bretagne
Avec Barry Ward, Simone Kirby, Jim Norton, Aisling Franciosi, Francis Magee, Aileen Henry
Durée : 1h46

Avec ce film qu’il affirme être son dernier – on n’a pas du tout envie de le croire ! –, Ken Loach nous offre un vrai moment de bonheur, dosant judicieusement les moments de lutte et ceux de tendresse, de lyrisme aussi, les enrobant d’une joie communicative, composant une des ces fresques modestes dont il a le secret, qui donnent envie d’avancer, de ne jamais baisser les bras. Le cinéma de Ken Loach est depuis toujours celui du courage, du courage individuel qui engendre le courage collectif. C’est dans l’union, la solidarité, l’action que la peur se défile et qu’on peut se réapproprier le pain et les roses. L’important c’est avant tout d’oser. L’histoire de Jimmy est une ode à l’insoumission, aux rebelles de tous les pays, de toutes les époques, qui donne envie de rentrer dans la danse avec eux.

1932. Nous sommes dans le Leitrim, un comté d’Irlande balayé par le vent et la pluie après l’avoir été durant des années par la guerre. Le jeune parti Fianna Fáil, mené par Eamon de Valera, vient de l’emporter, en affichant une politique plus marquée à gauche, même si elle reste très inféodée à l’Église et n’inquiète en rien les capitalistes irlandais. Néanmoins, le climat s’étant apaisé, l’absence lui étant devenu pesante, Jimmy Gralton a décidé de revenir au bercail pour aider à la ferme sa mère qui se fait vieille. C’est comme le retour de l’enfant prodigue. Même ceux et celles qui mouillaient encore leurs couches au moment de son départ, une dizaine d’année auparavant, en ont entendu parler. Jimmy c’était cet esprit libre, ce militant de tout temps, cet autodidacte qui ne mâchait pas ses mots, participait aux jacqueries pour soutenir les paysans et s’engageait auprès de l’IRA. Celui qui a dû fuir pour survivre et a continué à lutter depuis les États Unis avec la même ferveur pour soutenir son pays. Tour à tour paysan, mineur, docker, marin, syndicaliste, prisonnier, serveur… Une vraie légende vivante qui revient dans son pays natal.
Très vite les plus jeunes ne rêvent que d’une chose, supplient Jimmy : il faut qu’il réouvre le « Pearse-Connoly Hall », un petit dancing de campagne qui était bien plus que ça : une lueur d’espoir dans la nuit la plus sombre, un symbole de la résistance contre l’oppresseur, un havre où l’on se retrouvait pour danser certes, mais aussi pour échanger, pour réfléchir, pour étudier, pour organiser les luttes tous ensemble. 
Jimmy a beau aspirer à une paix bien méritée, l’aventure est trop tentante. Chacun apporte sa pierre à l’édifice, ses anciens compagnons de combat, la charmante Oonagh qui aurait pu devenir sa compagne s’il ne s’était pas exilé… Le Hall sort de l’abandon et reprend vie, d’autant que les disques de jazz américains qu’il passe sur son gramophone stimulent la curiosité. Non seulement on y vient de loin pour faire la fête, mais le lieu devient vite une sorte de centre culturel alternatif, autogéré, vivant. La mère de Jimmy y installe une petite bibliothèque, l’une donne des cours de danse, l’autre de dessin, de théâtre… Ça devient un lieu d’apprentissage tout autant que de détente.
Et là, le curé du coin, le père Sheridan, dresse l’oreille, monte au créneau : l’éducation est la prérogative de la Sainte Église, ceux qui s’en mêlent indûment commettent un sacrilège ! Il sermonne les fidèles de sa paroisse, les exhorte à choisir entre le Christ et Gralton, à ne pas aller se trémousser sur des musiques venues de l’Afrique la plus noire et qui enflamment les passions ! La guerre est déclarée, obligeant chacun à choisir son camp. Celui de l’Église, tout comme des années auparavant, reste clairement du côté des nantis, de ceux qui n’hésitent pas à mettre à la rue des familles entières et ne vont pas hésiter à se lancer dans une vraie chasse aux sorcières !

C’est du vite dit, car on est loin de Don Camillo et Peppone, l’histoire, les personnages sont complexes, le cadre historique l’est aussi. Jimmy Gralton a vraiment existé et dérangé tellement que des archives nationales qui le concernaient ont été détruites. Garder la mémoire, c’est aussi un acte de résistance. Et les mots de celui qui réquisitionnait des fermes bien avant que le DAL n’existe résonnent malheureusement toujours avec justesse : « Ils veulent nous faire croire que notre pays est uni. Mais l’intérêt d’un enfant pauvre est-il le même que celui d’un gros propriétaire terrien qui exige des loyers exorbitants ? »